Du sujet lecteur au sujet du poème
Résumé
Parmi les avantages désormais assez unanimement reconnus à l’enseignement du FLE avec les textes
littéraires, figure presque systématiquement l’argument d’un possible enseignement de la compétence
interculturelle. La littérature, comme « outil de médiation interculturelle » (Godard, 2015 : 49), permet « de
porter un nouveau regard sur l’Autre et sur soi » (Defays et al., 2014 : 33). Au centre des apprentissages,
la notion de sujet (ou de subjectivité), et son parangon le sujet lecteur, est alors étroitement associée à son
activité emblématique : l’interprétation. L’activité de lecture semble s’organiser autour de deux pôles
considérés comme constitués, d’une part celui du texte, d’autre part celui du lecteur.
Or, Chloé Laplantine rappelle que Benveniste, dès son célèbre article écrit en 1951 (Benveniste, 1966),
annonçant entre autres ses recherches sur le langage poétique avec Baudelaire, permet de penser plus
généralement « une véritable théorie de la lecture », par la « critique d’une représentation fermée du "sens"
du poème, et la découverte tout autre de sa signifiance, de la constitution de cette signifiance par le lecteur,
de la transformation de celui-ci par cette activité » (Laplantine, 2008 : 151). Ce serait en effet par l’idée
d’une transformation réciproque des sujets, à l’œuvre dans le langage poétique, que l’on pourrait dépasser
« les vieilles antinomies du "moi" et de l’"autre" » (Benveniste, 1966 : 260). Cette transsubjectivation serait
à l’origine d’un sujet du poème (Martin, 2017). Il s’agira dans la communication de revenir sur les fondements
théoriques de cette proposition, et d’en dégager quelques pistes pour une didactique renouvelée du texte
littéraire en classe de FLE.