Zoopoétique de Proust - ENS - École normale supérieure Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue La Nouvelle Revue Française Année : 2022

Zoopoétique de Proust

Résumé

« Proust, il me semble, aucun animal dans l’œuvre », explique Roland Barthes en 1979 dans un de ses derniers cours au Collège de France. Comment celui qui sut repérer l’animal détenteur du « rêve humain » chez Michelet, la « symbolique zoologique » de Fourier, les comparants naturalistes de Gide, et qui s’envisagea comme une seiche projetant une encre vitale, comment a-t-il pu passer à côté du bestiaire proustien ? La lecture est une histoire d’optique, écrit Proust dans Le Temps retrouvé – une histoire de microscope, de télescope, de kaléidoscope : « Regardez vous-même si vous voyez mieux avec ce verre-ci, avec celui-là, avec cet autre »… La zoopoétique tient dans cette conversion du regard, sur soi, sur le langage, sur les vivants, sur les éléments dont ils sont indissociables. Elle fait donc le pari d’aborder les textes avec un verre animal, sachant en retour que les animaux, ces animés doués de mouvement et dotés d’une âme de vie, ne se contentent pas d’émettre des signaux : ils sont expressifs, et racontent des histoires. En 1896, le tout jeune Proust publie Les Plaisirs et les Jours, recueil dédié à un ami qui vient de mourir. Il revient alors sur son enfance : « Quand j’étais enfant, le sort d’aucun personnage de l’histoire sainte ne me semblait aussi misérable que celui de Noé, à cause du déluge qui le tint enfermé dans l’arche pendant quarante jours. Plus tard, je fus souvent malade, et pendant de longs jours je dus aussi rester dans l’« arche ». Je compris alors que jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fît nuit sur la terre. » Cette chambre-arche qui fait voir à l’orée du premier livre de Proust, c’est la mère veilleuse de l’enfant malade qui, une fois la guérison en bonne voie, en ouvre la porte : alors, « comme la colombe » de la Bible dessinée par Madeleine Lemaire à la fin de cette dédicace, « “elle ne revint plus” ». L’enfant devenu grand voyagea, fréquenta le monde, passa du temps chez ses amis, mais il y revint toujours, comme le lieu même où héberger l’entière société de son temps, et avec elle les bêtes diverses et variées qui la bordent, la peuplent ou y meurent.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03832280 , version 1 (27-10-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03832280 , version 1

Citer

Anne Simon. Zoopoétique de Proust. La Nouvelle Revue Française, 2022, nouvelle édition, 1, pp.95-101. ⟨hal-03832280⟩
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